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Tag - Eddings

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mardi, février 21 2012

La reine des sortilèges

Et voici, après Le pion blanc des présages, l'heure de parler du deuxième tome de la Belgariade de David Eddings. Après un premier tome consistant principalement en une longue exposition, et introduisant la plupart des protagonistes de la série, La reine des sortilèges voit enfin se développer un peu l'intrigue de la Belgariade. Nos héros vont, dans un premier temps, rencontrer un véritable Lancelot, ce qui constitue enfin une déviation de l'itinéraire par-ici-Mordor-passez-par-la-case-Tolkien-et-touchez-des-droits-d'auteur du premier ouvrage de la série. Ce Lancelot, nommé Mandorallen incarne la chevalerie avec un souci du détail prononcé. Il vit une passion platonique avec la (jeune) épouse de son meilleur ami, qui lui même est au courant de la chose, mais tous trois, chevaleresques jusqu'au bout des paroles, s'interdissent tout manquement aux règles de la bonne société, tandis que leurs coeurs saignent de cette passion inachevée. C'est-y pas beau? La première moitié du livre se passe en Asturie, terre de nobliaux acceptant mal une dynastie (les mimbraïques) originaire d'un autre terroir. Le jeune Lelldorin dont on parlait dans le dernier billet ira même jusqu'à intégrer une conspiration ayant pour objet d'attenter à la vie de cette couronne haïe. La conspiration est possible grace à l'or des Murgos, les vrais méchants de la série. Notre compagnie s'en rend compte, y compris l'impétueux Lelldorin, qui jure qu'on ne l'y prendra plus, et demande à Garion d'en toucher un mot au roi. Garion consent, et ajoute qu'il ne mentionnera pas l'implication de son ami. Plus tard, présenté à la cour, et par une coïncidence assez lourde, qui se produira à nouveau lors du deuxième arc narratif du tome, voulant que le Murgo en chef pointe le bout de son museau à la cour au même moment, Garion va révéler la conspiration au roi, entrainant un dégainage d'épées en règle par les méchants, et le sieur Mandorallen qui s'improvise champion de Garion. La compagnie passe, les méchants trépassent, et l'on comprend que Mandorallen a préféré ce jugement par l'ordalie, à l'autre possibilité, qui était de prouver leurs dires en dénonçant Lelldorin, auquel il ne doit pourtant rien en tant que loyal sujet de la couronne. Le caractère du tank chevaleresque s'étoffe donc un peu, et ç'aurait été pas mal, si Eddings n'avait choisi de bien mettre les pieds dans le plat en indiquant noir sur blanc que Garion était bien obligé de revoir ses préjugés sur le chevalier Mandorallen, car son caractère était plus compliqué qu'il ne le pensait. C'est un peu lourd, comme procédé, voire même indigeste, en ce que ça ressemble plus à de l'autocongratulation de la part de l'auteur, qu'à une nécessité littéraire, ou un élément indispensable à l'intrigue.

Mais passons - à la deuxième moitié du livre. Quittant la capitale Tol Borune, notre compagnie se voit rejoindre par Ce'Nedra, la fille de l'empereur accompagnée de son précepteur, en pleine fugue. La raison de la fugue? Il est prédit qu'une fille de l'empereur de Tol Borune épousera le descendant du roi de Riva, et qu'ils vaincront le maléfique dieu Torak. A cette fin, les traités qui unissent les nations de Riva et de Tolnedrie prévoient qu'à l'âge de seize printemps, chaque princesse royale doit se présenter à Riva pour épouser le roi au cas ou il serait de retour. Le descendant du roi est bien sûr, à l'insu de son plein gré, Garion dont la lignée a été préservée pendant des siècles par Belgarath et Polgara. Ironie du sort qui fait se jeter Ce'Nedra dans les pattes (bien innocentes et naïves) de celui qu'elle cherche à fuir. Polgara rit sous cape, de commun avec le lecteur averti. Un peu après, nos héros se font piéger par le méchant en chef (du tome - ça va crescendo) dont le plan est aussi simple que peu vraisemblable. Sachant que le dieu Torak veut Polgara pour conjointe, et la mort de Garion qui doit, d'après la prophétie, un jour le tuer, notre méchant souhaite livrer l'un et l'autre au dieu maléfique, espérant grasse récompense. Comment souhaite-t-il capturer la sorcière la plus terrible de la planète? Apparemment en menaçant de tuer Garion, donc si je suis bien, Polgara ne va pas user de sa magie, par peur qu'il tue Garion, mais attendre sagement qu'il emmène Garion à Torak, pour que Torak le... tue. Pas très logique - fort heureusement, c'est le moment où les pouvoirs latents de Garion se révèlent et sauvent l'auteur embourbé dans un marais de sa propre création, en même temps que Polgara lui révèle qu'il est l'assassin de ses parents. Garion pète un plomb, et incinère magiquement le méchant bougre.

Et voici déjà la troisième moitié du livre (ou la quatrième si l'on compte la petite Ce'Nedra), qui se déroule en Nyissie, terre du dieu serpent, et de sa prêtresse, la reine Salmissra. Celle-ci, choisit à son (éternel) dam, de jouer la carte des méchants. Salmissra kidnappe le jeune homme, dans l'espoir de l'échanger, quand Torak se réveillera contre un mariage qui la mettra à l'égal des dieux. Le Murgo en chef (pour l'instant - il y en aura d'autres dans les livres suivants), a presque le même plan, à l'exception qu'il ne souhaite pas se marier avec Torak, mais lui fournir et Garion, et Polgara. Revenons-en à Salmissra - elle kidnappe Garion, qui réveille son pouvoir magique latent à cette occasion. Cela lui permet de survivre assez longtemps pour qu'une véritable Polgara ex machina se produise et que notre compagnie s'enfuie vers le troisième tome.

PS: pourquoi diable les méchants sont-ils toujours si entiers, dans l'héroïque fantaisie? Il n'y a jamais un seul membre du groupe identifié avec le mal, avec un M majuscule, qui penche vers le clan du bien avec un B majuscule. Pourquoi pas un orc aimant la poésie, ou un Murgo reniant le dieu Torak? Dans tout autre genre littéraire, il est des repentis - aparemment pas dans la fantasy. Note aux auteurs: ça apporterait un semblant de crédibilité à vos écrits - que diable, même dans l'univers manichéen s'il en est du comic de super-héros, il est des super-vilains qui reviennent sur le bon chemin, par exemple le Silver Surfer.

lundi, février 20 2012

Le pion blanc des présages

Il s'agit de l'un des rares livres de langue anglaise que je possède en traduction française. Lisant l'anglais plus couramment que le binge drinker londonien du samedi soir de base, et remarquant erreurs et lourdeurs de traduction à une fréquence supérieure à celle à laquelle notre jeune londonien descend les bières dans son pub de l'East End ce même samedi soir, je déteste lire un livre anglo-saxon en français. A ma décharge, ce bouquin a été imprimé en octobre 1990, et j'en ai probablement fait l'acquisition dans les quelques mois qui on suivi son impression, a une époque, ou, quoique parisien, je ne connaissais pas encore WhSmith, ni Brentano's, que j'ai préféré à Smith, pendant les longues années de mon idylle avec ces deux librairies. A présent, Amazon est apparue, et je réside dans une toute petite ville de l'extrême ouest breton, ce n'est pas comme si, à l'instar de la grande distribution et des épiciers en leur temps, je confinais à la faillite ineluctable les innombrables librairies de langue anglaise de Brest en étoffant ma bibliothèque à l'aide de la dite amazone.

Mais revenons-en à nos moutons blancs des présages, que je viens de relire. Si j'étais masochiste, j'en ferais peut être l'acquisition en langue anglaise, pour pouvoir en être sûr, ne l'étant pas, je livrerais ici-même un jugement à l'emporte-pièce: c'est un mauvais livre. David Eddings, ne me haïs point! J'aime les mauvais livres et les séries B - néammoins, force est de constater qu'un certain nombre de points négatifs entachent le plaisir que l'on pourrait éprouver à la lecture de ce bouquin, le moindre d'entre eux n'étant pas l'admiration que l'auteur (et le lecteur - moi, pour ceux qui ne suivent pas, là bas au fond) porte à Tolkien et au Seigneur des Anneaux, pour ne pas dire la copie servile.

C'est chose entendue que toute fresque d'héroique fantaisie doit glisser entre ses pages un antagoniste aux capacités de destruction et de méchanceté exacerbées, ainsi qu'une équipe de héros aux pouvoirs ma foi plus restreints, qui par leur coopération et leur bravoure, défairont l'anti-héros aussi aisément que je descends une petite bibine en rédigeant ceci - non, pas aussi aisément, tout de même, ou ce ne serait pas très héroïque, mais la bibine en question attaque mes capacités cognitives. L'inclusion d'un objet doté d'un grand pouvoir magique est l'un des autres lieux communs à cette littérature. On peut enfin obtenir quelques points en bonus par l'inclusion d'une romance, mais il s'agit la d'un mal commun à bien d'autres formes d'expressions littéraires et artistiques.

Pour autant, cet antagoniste, ces héros, ces objets, et ces romances ne gagnent rien à être copies conformes de leurs alter-egos Tolkieniens. Lorsqu'Isildur vole l'anneau unique à Sauron lors d'une bataille épique aux sons de fin des temps, et par la même la presque totalité de son pouvoir maléfique, que ce dernier disparaît et se régénère pendant des siècles, il n'est point nécessaire que Riva vole l'orbe d'Aldur à Torak, puis qu'une bataille épique aux sons de fin de temps se joue à l'issue de laquelle Torak, privé de la presque totalité de son pouvoir maléfique disparaît et se régénère pendant des siècles. Lorsque le héros de Tolkien, Frodo, n'est somme toute qu'un brave gars de la campagne, ignorant du cours du monde, est-il si important que Garion, celui d'Eddings, soit un brave gars de la campagne, ignorant du cours du monde? Lorsque la compagnie de l'anneau de Tolkien se voit renforcée de la présence de Legolas, l'archer elfe, est il tout à fait indispensable que la bande de Garion se voit renforcée de la présence de Lelldorin, l'archer - qui bien qu'humain - les elfes n'existent pas dans le monde d'Eddings, joue sur les consonnances elfiques de son nom, ainsi qu'une certaine allitération entre les premières syllabes de leurs noms, pour créer un parallèle plus qu'indéniable avec son doppelgänger Legolas? La copie est en géneral plus un ressort comique - Terry Pratchett en joue par exemple avec inspiration, en son personnage de Cohen the Barbarian, un féroce juif à rouflaquettes barbare - qu'un ressort épique. Etait-il dès lors nécessaire à Eddings de créer une peuplade vivant en symbiose avec les chevaux, à l'instar des Rohirrim de Tolkien? Fallait-il vraiment qu'un prince incognito fasse partie de la compagnie de Garion (Kheldar, le prince-espion), alors même qu'un roi est incognito dans celle de Frodo (Aragorn)? Etait-il nécessaire que le dit Kheldar soit, je cite, "un petit individu avec un visage de fouine", alors même que son meilleur ami Barak, est lui-même un géant nordique à la force prodigieuse, si l'on souhaitait éviter les accusations de plagiat des célèbres Fafhrd and the Gray Mouser du regretté Fritz Leiber?

Un autre point très négatif est la jeu de piste dans lequel Eddings nous enrôle bien malgré nous. Est-il destiné à des adolescents peu attentifs? Est-ce un artifice littéraire, plus que d'une authentique volonté d'interaction avec le lecteur? Nul ne le sait, mais c'est d'un ennui mortel. Petit résumé des faits: le dieu Torak s'est vu panpancuculter par le sorcier Belgarath, à la suite de quoi une prophécie a annoncé qu'il serait définitivement défait par un descendant du roi de Riva. Cette prophécie est énoncée en guise de prologue au livre. Il faut ensuite se farcir les interrogations du héros, le jeune Garion, comprenant peu à peu qu'il est l'objet et le sujet de cette prophétie. Le lecteur comptabilisant moins de sept virgule trois degrés d'alcool dans le sang le comprend dès le premier chapitre, et les interrogations du jeune garçon lui sonnent alors singulièrement faux aux oreilles. Alors, erreur de jeunesse d'Eddings, volonté délibérée de lourdeur, sans même s'attarder sur le caractère poétique de la prophétie elle-même - j'ai connu des lettres d'amours adolescentes plus intrigantes, tentative de rendre le lecteur omniscient qui échoue car il n'y a aucune necessité à ce que le protagoniste ne le soit pas lui? Tout cela est assez mystérieux et un peu soporifique.

Au chapitre des points positifs, l'on peut noter dans l'oeuvre d'Eddings la présence d'une héroïne qui n'est pas une vierge effarouchée, mais une sorcière de renom - la seule héroïne de Tolkien est Eowyn, peu présente, tueuse de Nazgûl malgré elle, et amoureuse transie du vrai héros (celui avec des attributs masculins commençant par c, o et u, et finissant par i, l, l, e et s) Aragorn. Il est intéressant de faire de Polgara, puisque c'est le nom de cette héroïne, une sorcière, car les porteuses d'épées sont peu crédibles - de la même façon que les championnats mondiaux d'arts martiaux se divisent en deux catégories, hommes et femmes, il est peu probable que l'épéiste moyennageuse ait pu résister aisément à l'épéiste moyennageux, du simple fait de la différence de masse musculaire, rendant ce type d'héroïne peu probable.

Mais ce qui rend réellement ce livre attrayant, malgré ses défauts plus indigestes que le Kouign-amann de mon dessert, c'est les dialogues entres personnages. Chaque conversation, ou presque, est une passe d'armes qui voit gagner le compère à la langue la mieux pendue. Amateur de séries B, comme de blockbusters, ce dernier point m'a permis de finir ce livre avant de sombrer à l'énervement du à l'idôlatrie Tolkienesque du sieur Eddings. Autant qu'il m'en souvienne, les tomes suivants voient se développer une intrigue, qui devrait me faire oublier cette idôlatrie de jeunesse (n'oublions pas qu'il s'agit seulement du deuxième roman publié par David Eddings, et de son premier roman d'héroique fantaisie).

Demain devrait être jour de réception de mon dernier gadget, un beau Kindle. Ainsi donc le prochain billet lui sera probablement dédié, à moins qu'il ne le soit au tome deuxième de la saga d'Eddings.