Voilà une semaine que j'ai acquis, un (petit) peu en coup de tête, un Kindle 4, après deux jours passés à me renseigner, et à explorer mes motivations, que voici:

  • La jalousie envers ma petite soeur. De quel droit s'autorise-t-elle à frimer avec sa troisième liseuse déjà, alors que je n'en ai jamais possédé ne serait-ce qu'une, celle-là?
  • Près de 45 mètres linéaires de Billy d'Ikea, remplies à gerber[1], menacent l'intégrité structurelle de mon home sweet home, les parpaings s'prennent des pains, le placo n'aime pas trop et l'plancher va craquer. C'est soit la liseuse, soit l'autodafé.
  • Une fois la bestiole en poche, soit l'on est gugusse d'une centaine d'euros délesté par les sirènes du consumérisme, soit l'on s'en sert. Je joue sciemment de cette vanité qui me veut odysséen, pour diminuer la part de mes passe-temps qu'occupent la BD, le film et la série, que mon éducation petit bourgeoise veut plus néfastes à la mens sana. Cela se discute, mais l'on ne se refait pas.
  • Dans le même registre que le point ci-dessus, ma production intellectuelle avoisinant le zéro absolu, j'espérais que la liseuse me pousserait à la fiche de lecture. De ce point de vue c'est à moitié réussi, sur deux livres achevés, et deux à moitié, j'ai réalisé deux moitiés de fiches de lecture, et deux quarts. La fiche de lecture n'est pas l'essai publié chez la Pléiade, mais il faut bien (re)commencer quelque part, lorsqu'on approche la quarantaine et que le cerveau n'est plus moteur, mais s'est alangui.
  • Une envie d'explorer un peu plus l'histoire (c'est un bien grand mot, vu mes genres favoris) littéraire que je ne le fis plus jeune.
    Le seul effet de mode auquel je cédai fût une propension navrante à la cigarette qui fait rire, il y a bientôt vingt ans. Les fringues de la saison, le dernier Goncourt, le jeu vidéo qui vient de sortir, très peu pour moi. S'il s'agit donc de lire des auteurs plus anciens, il en est quantité que je n'ai jamais lu, quantité dont je n'ai seulement jamais entendu le nom, et l'alliance historique de la liseuse, et du domaine public, nous permet enfin de lire ces auteurs dans des conditions de confort - l'écran rétroéclairé n'est vraiment pas adapté à la lecture - et éthiques acceptables: s'il est normal de rémunérer un éditeur pour lire Shakespeare, il est en revanche étonnant qu'il réalise moult bénéfices à cette occasion. Shakespeare faisant partie du domaine public, il devrait pour des raisons citoyennes et morales, être disponible à prix coûtant. C'est chose faite! On acquiert la liseuse, et l'on peut lire Shakespeare à prix coutant, par exemple ici.
    Cela peut paraître - et ça l'est - radinisme de ma part, il n'empêche qu'un problème plus global se développe ici, la main mise de sociétés de droit privé sur notre héritage culturel commun. Les musées nous font payer, et c'est légitime, leur visite - mais, et il s'agit d'un mais majeur, les musées ne sont pas censés dégager un bénéfice - il s'agit bien de notre patrimoine à tous, et il est immoral qu'une entité privée s'en serve pour dégager un bénéfice.

Une semaine après l'arrivée du Kindle 4, voici quelques notions, à présent éclairées par la pratique de la liseuse, qui m'avaient jusqu'alors echappées:

  • Les répertoires. Si l'on souhaite conserver des centaines de livres sur une liseuse, il serait agréable de disposer d'un arbre de répertoires, comme sur nos PCs. Le Kindle ne le permet pas, il permet seulement un seul niveau de répertoires.
  • Le dictionnaire, surtout lorsqu'on lit des livres en langues étrangères, est un atout précieux. A raison de 29 lignes de 10 mots (mes préférences), il faut en moyenne douze pressions d'une touche directionnelle du Kindle 4 pour obtenir la définition requise. A l'aide d'une liseuse à écran tactile, il faut en moyenne (essayez de deviner)... une pression pour obtenir la définition.
  • Les notes. Si l'on est purement lecteur, peu importe. A partir du moment ou l'on souhaite créer ne serait-ce que dix notes pour un livre, le clavier du Kindle 4 est insupportable. L'usage des ordinateurs, des tablettes, des téléphones portables, nous a habitué - et cela depuis la regrettée machine à écrire - au paradigme "une touche, une lettre". Il n'y a guère que pour entrer un high-score sur une borne d'arcade, que l'onai utilisé ce système rétrograde consistant à se déplacer sur un clavier virtuel à l'aide des touches directionnelles. La encore, à l'aide d'un écran tactile (ou d'un clavier physique, comme par exemple sur le Kindle 3), c'est une pression / une lettre.
  • Le marque-page. Point n'en est besoin sur le Kindle, tous les livres restent ouverts à la dernière page compulsée. D'autres liseuses procèdent différemment.
  • L'absence de reliure. Pas besoin de lire en biais ou de briser la tranche du livre pour l'ouvrir en grand.
  • Les boutons latéraux pour changer de page. Ils sont très agréables. En ce qui concerne le Kindle 4, associés à son poids plume de 170 grammes, ils rendent la lecture bien plus agréable que celle d'un livre. Je peux lire et tourner les pages d'une seule main dans quatre positions différentes, et cela avec les deux mains, ce qui rend la fatigue musculaire absolument négligeable.

Par au-dessus, page suivante par contraction de l'hypothénar en appui sur le pouce:

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Par en-dessous, page suivante par faible mouvement de l'index (difficile), ou déplacement et pression du majeur (facile):

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Latéral, page suivante par pression du pouce ou du majeur (grandes mains) - c'est la position la plus fatigante:

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Par en-dessous, page suivante par appui aisé du pouce:

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  • Les capacités sans-fil. La 3g est un pur gadget. A qui veut-on faire croire qu'il n'est pas possible de charger assez de livres dessus à la maison, pour ne pas avoir besoin de capacités de connexion une fois à l'extérieur. Ou bien faut-il _réellement_ charger ce livre précis, à ce moment précis, dans la queue de la boulangerie entre madame Michu et monsieur Ibrahim? Même si l'on part en vacance, il est possible de mettre 200 livres sur la liseuse pendant l'année, à fins de ne pas avoir besoin de réseau pendant les dites vacances.
    Le wifi est justifié, moyennant un caveat. Il est peu pratique de chercher un livre depuis le Kindle, mais aisé de chercher un livre depuis son PC sur le site de l'amazone, et de le faire envoyer sur son Kindle.
  • Les boutiques. Ils semblent qu'elles soient aussi mal fichues les unes que les autres, et d'ailleurs c'est un constat global concernant la majeure partie d'internet: la recherche par chaîne de caractères exacte est rarement implementée d'une façon donnant satisfaction. Si je cherche "Benjamin Button", je ne suis pas interessé par "Benjamin Franklin" et inversement. Une exception notable: kobobooks. A titre personnel, cela me met dans une colère noire lorsqu'un programme informatique s'imagine pouvoir mieux que moi savoir ce que je cherche. Les chaînes de caractères, c'est pas pour les cochons, n.f.: femme guerrière résidant sur les rives de la Mer Noire. Le site de la fnac est infect, il faut tous les trois clics indiquer que l'on souhaite exclusivement des ebooks, pour ne pas se voir proposer des livres brochés, quand à son choix en langue anglaise, il est déplorable. Le site de Sony n'est pas encore implémenté en France, et celui de Virgin n'a aucun choix, en aucune langue que ce soit.
    Je reviendrai peut-être sur les sites immatures dans le futur, sous réserve de progrès de leur part et d'intérêt de la mienne. En attendant, voici quelques recherches effectuées pour me donner une idée sur les deux sites adultes:

Michael Moorcock (en langue anglaise)
sur kobobooks.fr : 12 livres de 6.94€ à 7.48€
sur amazon.fr: 13 livres de 6.01€ à 8.28€, dont 8 résultats abracadabrants

Raymond Feist (en langue anglaise)
sur kobobooks.fr : 28 livres de 4.91€ à 13.26€
sur amazon.fr: 34 livres de 4.39€ à 13.18€, dont 8 résultats abracadabrants

Theodore Sturgeon (en langue anglaise)
sur kobobooks.fr : 4 livres à 5.99€
sur amazon.fr: 7 livres de 1.07€ à 5.99€

Arsene Lupin (en langue française)
sur kobobooks.fr : 14 livres de 1.99€ à 12.99 dont 1 résultat erronné
sur amazon.fr: 7 livres de 0.89€ à 12.99€ dont 1 résultat erronné et 2 résultats abracadabrants. Impossibilité de choisir "en français", mais possibilité de choisir des catégories (policier & thriller) dont l'intitulé, en français dirige vers des proses en la langue de Molière.

Harry Turtledove (en langue anglaise)
sur kobobooks.fr : 65 livres de 0.73€ à 13.79
sur amazon.fr: 81 livres de 0.73 à 15.52€ dont 8 résultats abracadabrants.

L'un dans l'autre, c'est assez similaire, avec peut être (pour mes goûts particuliers), un léger avantage tarifaire à l'amazone. En revanche, Kobobook fournit tous ses livres sous un format certes propriétaire, mais accessible à tout fabriquant de liseuse, le epub avec des DRMs Adobe. Amazon utilise un format à lui propre, il n'est aucune garantie de pouvoir lire ses livres sur une autre liseuse dans le futur, même si aujourd'hui l'on y arrive.

En conclusion, à l'aune de mes aventures ebookiennes, s'il me fallait choisir une liseuse à nouveau (ce qui n'est pas proscrit, Amazon permettant le retour du Kindle dans le mois suivant l'achat), je m'orienterais vers une PRS-T1 de chez Sony. Le poids est encore un tout petit peu plus léger que le Kindle 4, et largement en dessous celui du Kindle Touch. Elle dispose de boutons physiques pour les pages précédentes et suivantes qui, quoi que moins avantageusement placés que ceux du Kindle 4, permettent probablement la lecture d'une main. Son écran est tactile, ce qui permet une réelle utilisation du clavier, à fins de prendres des notes et d'utiliser les dictionnaires. Mon deuxième choix serait la Cybook Odyssey, un peu plus lourde et jolie que la Sony. Troisième ex-aeco, les Kindle et Kobo Touch, puis quatrième le Kindle Tou...t court. Les autres lecteurs sont anecdotiques en France, et ne sauraient être sérieusement recommandés.

Notes

[1] gerber: v.t. du premier groupe. Mettre en piles des charges, généralement sur des palettes, avant stockage. A quoi pensiez-vous?