Et voici, après Le pion blanc des présages, l'heure de parler du deuxième tome de la Belgariade de David Eddings. Après un premier tome consistant principalement en une longue exposition, et introduisant la plupart des protagonistes de la série, La reine des sortilèges voit enfin se développer un peu l'intrigue de la Belgariade. Nos héros vont, dans un premier temps, rencontrer un véritable Lancelot, ce qui constitue enfin une déviation de l'itinéraire par-ici-Mordor-passez-par-la-case-Tolkien-et-touchez-des-droits-d'auteur du premier ouvrage de la série. Ce Lancelot, nommé Mandorallen incarne la chevalerie avec un souci du détail prononcé. Il vit une passion platonique avec la (jeune) épouse de son meilleur ami, qui lui même est au courant de la chose, mais tous trois, chevaleresques jusqu'au bout des paroles, s'interdissent tout manquement aux règles de la bonne société, tandis que leurs coeurs saignent de cette passion inachevée. C'est-y pas beau? La première moitié du livre se passe en Asturie, terre de nobliaux acceptant mal une dynastie (les mimbraïques) originaire d'un autre terroir. Le jeune Lelldorin dont on parlait dans le dernier billet ira même jusqu'à intégrer une conspiration ayant pour objet d'attenter à la vie de cette couronne haïe. La conspiration est possible grace à l'or des Murgos, les vrais méchants de la série. Notre compagnie s'en rend compte, y compris l'impétueux Lelldorin, qui jure qu'on ne l'y prendra plus, et demande à Garion d'en toucher un mot au roi. Garion consent, et ajoute qu'il ne mentionnera pas l'implication de son ami. Plus tard, présenté à la cour, et par une coïncidence assez lourde, qui se produira à nouveau lors du deuxième arc narratif du tome, voulant que le Murgo en chef pointe le bout de son museau à la cour au même moment, Garion va révéler la conspiration au roi, entrainant un dégainage d'épées en règle par les méchants, et le sieur Mandorallen qui s'improvise champion de Garion. La compagnie passe, les méchants trépassent, et l'on comprend que Mandorallen a préféré ce jugement par l'ordalie, à l'autre possibilité, qui était de prouver leurs dires en dénonçant Lelldorin, auquel il ne doit pourtant rien en tant que loyal sujet de la couronne. Le caractère du tank chevaleresque s'étoffe donc un peu, et ç'aurait été pas mal, si Eddings n'avait choisi de bien mettre les pieds dans le plat en indiquant noir sur blanc que Garion était bien obligé de revoir ses préjugés sur le chevalier Mandorallen, car son caractère était plus compliqué qu'il ne le pensait. C'est un peu lourd, comme procédé, voire même indigeste, en ce que ça ressemble plus à de l'autocongratulation de la part de l'auteur, qu'à une nécessité littéraire, ou un élément indispensable à l'intrigue.

Mais passons - à la deuxième moitié du livre. Quittant la capitale Tol Borune, notre compagnie se voit rejoindre par Ce'Nedra, la fille de l'empereur accompagnée de son précepteur, en pleine fugue. La raison de la fugue? Il est prédit qu'une fille de l'empereur de Tol Borune épousera le descendant du roi de Riva, et qu'ils vaincront le maléfique dieu Torak. A cette fin, les traités qui unissent les nations de Riva et de Tolnedrie prévoient qu'à l'âge de seize printemps, chaque princesse royale doit se présenter à Riva pour épouser le roi au cas ou il serait de retour. Le descendant du roi est bien sûr, à l'insu de son plein gré, Garion dont la lignée a été préservée pendant des siècles par Belgarath et Polgara. Ironie du sort qui fait se jeter Ce'Nedra dans les pattes (bien innocentes et naïves) de celui qu'elle cherche à fuir. Polgara rit sous cape, de commun avec le lecteur averti. Un peu après, nos héros se font piéger par le méchant en chef (du tome - ça va crescendo) dont le plan est aussi simple que peu vraisemblable. Sachant que le dieu Torak veut Polgara pour conjointe, et la mort de Garion qui doit, d'après la prophétie, un jour le tuer, notre méchant souhaite livrer l'un et l'autre au dieu maléfique, espérant grasse récompense. Comment souhaite-t-il capturer la sorcière la plus terrible de la planète? Apparemment en menaçant de tuer Garion, donc si je suis bien, Polgara ne va pas user de sa magie, par peur qu'il tue Garion, mais attendre sagement qu'il emmène Garion à Torak, pour que Torak le... tue. Pas très logique - fort heureusement, c'est le moment où les pouvoirs latents de Garion se révèlent et sauvent l'auteur embourbé dans un marais de sa propre création, en même temps que Polgara lui révèle qu'il est l'assassin de ses parents. Garion pète un plomb, et incinère magiquement le méchant bougre.

Et voici déjà la troisième moitié du livre (ou la quatrième si l'on compte la petite Ce'Nedra), qui se déroule en Nyissie, terre du dieu serpent, et de sa prêtresse, la reine Salmissra. Celle-ci, choisit à son (éternel) dam, de jouer la carte des méchants. Salmissra kidnappe le jeune homme, dans l'espoir de l'échanger, quand Torak se réveillera contre un mariage qui la mettra à l'égal des dieux. Le Murgo en chef (pour l'instant - il y en aura d'autres dans les livres suivants), a presque le même plan, à l'exception qu'il ne souhaite pas se marier avec Torak, mais lui fournir et Garion, et Polgara. Revenons-en à Salmissra - elle kidnappe Garion, qui réveille son pouvoir magique latent à cette occasion. Cela lui permet de survivre assez longtemps pour qu'une véritable Polgara ex machina se produise et que notre compagnie s'enfuie vers le troisième tome.

PS: pourquoi diable les méchants sont-ils toujours si entiers, dans l'héroïque fantaisie? Il n'y a jamais un seul membre du groupe identifié avec le mal, avec un M majuscule, qui penche vers le clan du bien avec un B majuscule. Pourquoi pas un orc aimant la poésie, ou un Murgo reniant le dieu Torak? Dans tout autre genre littéraire, il est des repentis - aparemment pas dans la fantasy. Note aux auteurs: ça apporterait un semblant de crédibilité à vos écrits - que diable, même dans l'univers manichéen s'il en est du comic de super-héros, il est des super-vilains qui reviennent sur le bon chemin, par exemple le Silver Surfer.